Desireux de nous reposer, nous avons donc opte pour un trek entre La Cumbre et Coroico, sur un ancien chemin Inca menant d'un col de montagne au coeur de la jungle. Plus de 3000m de denivele en descente. Fermement resolus a etre legers cette fois-ci, nous ne prenons que le minimum: pas de baudriers, pas de piolets, pas de broches, pas de grosses chaussures, pas de doudounes, pas de casques et plein de bouffe. Et comme on a plein d'essence, on pourra se faire des repas chauds tout le temps, le grand luxe. Et comme on est toujours un peu tetes brulees, au lieu de partir un matin un peu tot, on part la veille un peu tard, pour gagner du temps, l'argent de la chambre d'hotel, et parcequ'on en a marre de La Paz.

Devant l'air interrogateur de la vendeuse de billets de bus pour La Cumbre, on aurait du tiquer. Devant son air semi interloque apres notre affirmation de camper la-bas, on aurait du se renseigner. Mais bon, nous voila partis. Arrives a La Cumbre, on saisit tout de suite le probleme. On va faire succinct:

Plafond nuageux: environ a 30m

Visibilite: Oscille entre 20 et 5m

Taux d'humidite: Disons 98%

Temperature: Certainement pas plus de 10 degres

A cote d'un lac, sur un sol pele et assez souvent detrempe

Il fait nuit, et a part les duvets on a rien de serieux pour se proteger du froid

Ces petites erreurs d'appreciation, c'est bien sympa, c'est pas bien grave, mais ca commence a bien faire.

On marche un peu dans une clarte glauque, evoluant dans un brouillard a couper au couteau, on trouve un endroit plat et presque sec pour la tente, on mange tres vite et on se couche en se disant qu'on fera secher tout le materiel plus tard. En plus on est en plein milieu d'une des reserves d'eau pour La Paz, le camping ne doit pas etre tres bien vu. Va falloir se lever tot et deguerpir tres vite le lendemain. Des le matin, il fait toujours aussi froid mais le plafond s'est un peu releve. Nous sommes tout a fait rasserenes en voyant que nous nous dirigeons vers une eclaircie, c'etait donc bien une humeur meteorologique sans consequences, nous n'allions plus regretter nos doudounes. C'est alors qu'il s'est mis a neiger. Une petite neige drue, fine et tenace, dans un brouillard renouvele. Juste pour resituer le contexte vestimentaire: histoire d'etre vraiment leger, Arthur etait en sandales. De bonnes sandales de semi-montagne, certes, mais des sandales.

N'y voyant rien, on suit la route (enfin, une des routes) pour au moins ne pas se perdre. On arrive a un col probable, avec un gros cairn (suffisamment gros pour qu'on arrive a le voir dans cette puree de pois), et on a la chance de voir un bolivien emerger du brouillard juste a temps pour nous confirmer que c'est bien le debut du trek. On a de la chance, sur ce coup la.

Commence un parcours irreel: entierement dans les nuages, sans rien y voir, on descend un chemin de pierre accroche a flanc de falaise. Le pavage est antediluvien, la route tres raide, on est accroches entre ciel et terre dans le brouillard. Le silence est complet, on entend la neige tomber. On croise de temps en temps des boliviens remontant le sentier, un troupeau de lamas conduits par des gosses pieds nus dans des sandales, ne laissant emerger que les yeux de grands chales de laine. Au bout de trois heures de neige, on etait assez bas pour qu'elle se change en pluie. Toujours dans le brouillard, on a vu reapparaitre les murets de pierre indiquant des champs, emerger les premiers buissons avec la baisse de l'altitude, puis quelques arbres barbus de lichens. Puis une vraie vegetation tropicale, et nous nous sommes arretes pour la nuit a Challapampa, au debut de la jungle. Nous qui avions choisi ce parcours pour se reposer et avoir chaud, on avait eu le choix entre neige, pluie, gresil et bruine sous le brouillard, descendant 2000m de denivele pendant 9h de marche. Rate. Et en plus, on a oublie une partie de notre nourriture a La Paz.

Les jours suivants il faisait beau, c'est a dire qu'il ne pleuvait pas. On a meme eu droit a quelques rayons de soleil, ce qui nous a permis de prendre plein de photos d'arbre et de vert. Et de plantes. Cela faisait 1 mois que nous n'avions pas vu un arbre digne de ce nom. Il y avait bien eu les queñuas pres du Sajama, mais ils font plus penser a de gros buissons ligneux. Le sentier est identique a lui meme: accroche a flanc de foret, boueux, herbu, parfois un arbre repoussant le dallage au milieu de la chaussee ou un ruisseau le choisissant comme lit principal. Tres raide de chaque cote, avec des murs de vegetation luxuriante. Pas facile de composer, de separer un sujet dans ce bazar. En macro, peut-être ? Il faut absolument que je me trouve un livre de botanique tropicale, c'est tres frustrant de ne rien pouvoir reconnaitre. Parfois des lamas ou chevaux paissent directement sur le sentier, parfois quelques tombes car nous sommes au seul endroit horizontal. Plein de cris d'oiseaux inconnus, de temps en temps un colibri deguerpit en froufroutant dans un flou d'ailes. Quelques arbres enormes et plus d'animaux: termitieres, un couple d'aras (ils avaient des remiges manquantes a la queue, le marsupilami avait du passer par la), des perruches bavardes. On apercoit plusieurs flamboyants, qui mettent une touche de rouge dans le vertical. On arrive a Choiro pour 13h, alors qu'un bus part pour Coroico. Coup de chance: il nous prend aussitot, on n'a meme pas le temps de se reposer de la journee. On y est plus secoue que transporte, mais on arrive a temps pour manger. On repart ensuite aussitot pour La Paz ou nous attend un resto argentin avec un excellent vin chilien.

Cet apres-midi, on part pour Copacabaña, le lac Titicaca et l'ile du soleil. A bientot.