...Et on en n'a pas profite. Damned.

Nous etions partis pour le Sajama, le sommet le plus haut de la Bolivie: 6500m et des brouettes. Comme d'habitude, c'est une aventure rien que pour aller au village qui permettra d'evisager de peut-etre emettre l'hypothese de grimper eventuellement au sommet. On prend donc un car pour le Chili, qui nous deposera a Laguñas, sur le chemin. Il faut imaginer une enorme bestiole: 70 places au bas mot, sureleve, avec des couleurs vives et du chrome sur les roues, du genre qui fait trembler le sol autour quand il a le moteur au ralenti. Et un chauffeur. Psychopathe. Aiguille bloquee a 120 (sur l'ergot qui la retient parceque c'est dangereux d'aller plus vite), qui grille les feux rouges et klaxonne meme quand ils sont verts, on n'a pas regrette d'etre devant. En tout cas, dans les guides ils disent que le trajet se fait en 4h, 3h si le chauffeur est rapide, on l'a fait en 2h-2h30. Chapeau. Quand on enleve les mains du visage, le paysage est assez beau.

Bref, Laguñas, en bordure du Parc National Sajama, domine de toute sa taille par la calotte glaciaire dudit Sajama. A l'intersection pour aller au village de Sajama, nous nous essayons au stop, tout en raccomodant certaines affaires. Charmant tableau de couturieres au bord d'une route au milieu de nulle part: l'une raccomode ses guetres, l'autre son pantalon, le dernier la tente. C'est qu'il ne passe pas beaucoup de voitures: Arthur aurait pu rajouter de la dentelle a ses bas de jambe, et moi mettre des rideaux en crinoline a la tente. Au bout de 2h, une camionnette passe et accepte meme de nous prendre (ce qui fait un taux de reussite au stop en Bolivie de 100%, mais faut etre patient). On n'a rien sans rien: elle transporte des peaux de lamas a peine ecorchees et des foetus de lama momifies... Claire et moi nous entassons dans la benne, avec les sacs et le reste (une odeur inoubliable. Malheureusement).

Sajama, charmant petit village plein de vent et de poussiere, regit par une doyenne qui nous dit exactement ou nous loger et ou manger. On arrive a planter la tente entre deux maisons, histoire de ne pas payer car on est un peu raides. Et on part pour les sources d'eau chaude du coin, dont Claire avait entendu parler depuis longtemps, elle reve d'avoir enfin un peu d'eau chaude (denree extremement rare en Bolivie, en general ca hesite entre tiedasse et carrement froid). Les sources seront tres bien: vaseuses, souffrees, avec de la vapeur qui monte et tout. On devait partir le lendemain pour le Sajama, mais finalement repos car Arthur est malade. Non, ne me demandez pas comment il fait.

Surlendemain, on decide de faire deux journees en une: au lieu de passer deux jours pour aller d'abord au camp bas, puis au camp haut, on fera les deux dans la journee. 1300m de denivele en tout, mais on a tous fait bien pire. On loue une mule pour le debut du trajet, un porteur pour la suite et c'est parti. Apres tout nous sommes acclimates et on regarde de haut les touristes qui partent avec un sac de 20 litres, deux porteurs chacun, un guide, une cuisiniere et 5 tentes. Mais en fait c'est une grossiere erreur: 1300m de deniveles dans les alpes n'ont rien a voir avec 1300m ici, entre 4300 et 5600m. Et avec un seul porteur, nous sommes trop charges.

La première partie vers le camp bas est longue mais se passe bien, progressant dans des bois de quenua, en compagnie des volcans jumeaux Parinacota et Pomerata, de l'autre côté de la vallée. La seconde, par contre... Honnetement, la montee finale a ete une horreur, je n'ai (nous n'avons ?) jamais fait un truc aussi violent, dans un pierrier infame, a s'arreter tous les trois pas pour reprendre sa respiration et essayer de ne pas tomber dans les pommes. Nuit penible: Arthur est toujours malade, Claire a attrape une angine. A 3h30 nous sommes tellement peu vaillants qu'on se recouche, on attend le soleil, on dejeune et on descend. Tant pis pour le toit de la Bolivie. Au passage, on croise deux touristes qui montent avec justement un sac de 20 litres (mais que peuvent ils bien mettre dedans ? C'est meme pas assez grand pour un de nos casse-croute), deux porteurs et un guide. Claire leur aurait volontiers plante une broche a glace dans le dos, par inadvertance. Et moi je l'aurai tournee en utilisant un piolet technique, car je suis quelqu'un de serviable.

Retour a La Paz le lendemain, on apprend qu'un autre groupe a mis 19h pour faire l'ascension du Sajama, leur progression etant tres lente a cause des penitents de neige (jusqu'a 1m). Et maintenant plus que 10 jours de voyage, a nous demander si on repart pour l'Illimani (qui est une bavante peut-etre plus dure que le Sajama) ou si on opte pour la solution 'Doigts de pieds en eventail-Cocktail-Transat' a Copacabaña...